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La liberté de religion fait partie des libertés fondamentales contenues à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après Charte canadienne)[1]. On la retrouve plus précisément à l’article 2a) de la Charte canadienne. Dans un pays libre, démocratique et multiculturel comme le Canada, la liberté de religion possède une importance plus que considérable. Dans une étude générale de la bibliothèque parlementaire publiée en 2011 et intitulée « Liberté de religion et signes religieux dans l’espace public », l’auteure Laura Barnette écrit que l’existence de la liberté de religion provient, en partie, du fait qu’au Canada il n’y a pas de législation officielle sur la séparation entre l’État et l’église[2]. La liberté de religion viendrait alors rassurer les inquiétudes des individus issus de communautés religieuses par rapport à la position de l’État en la matière. La Charte canadienne énonce à son article 27 que « toute interprétation de la Charte canadienne doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintient et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens »[3]. On comprend d’après cet article que le Canada est un pays conscient de son multiculturalisme et que l’intention n’est pas de créer une population homogène. Bien qu’il n’existe pas de lois fédérales sur la neutralité religieuse, il est prudent de dire que le Canada contreviendrait à son propre objectif si une religion était imposée aux canadiens. L’existence de la liberté de religion dans la Charte canadienne vient d’autant plus réaffirmer ce point.

En 1985, dans l’affaire Big M Drug Mart Ltd, le juge Dickson de la Cour Suprême définit la liberté de religion comme étant « le droit de croire ce que l’on veut en matière religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d’empêchement ou de représailles et le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation »[4]. Depuis, cette définition a été reprise dans plusieurs cas entendus en Cour Suprême. Par exemple, en 2006, dans l’affaire Multani, la Cour a reconnu que l’interdiction du port du kirpan imposée par la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys causait préjudice à la liberté de religion du jeune Gurbaj Singh; un membre de la religion sikhe orthodoxe. Reprenant la définition du juge Dickson, la Cour a conclu que la Commission Marguerite-Bourgeoys avait entraver le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique de l’étudiant Gurbaj Singh en interdisant le port du kirpan. Malgré cette affaire, il est important de mentionner que la décision Multani ne vient pas donner droit automatiquement à toutes les personnes issues de la communauté sikhe orthodoxe de porter un kirpan n’importe où au nom de la liberté de religion[5]]. La définition du juge Dickson nous enseigne que la liberté de religion comprend plusieurs facettes dont le droit de pratiquer sa religion sans crainte de représailles et le droit d’afficher son appartenance à une religion. D’ailleurs, c’est pour cela qu’il n’est pas rare de voir des femmes de confession musulmane porter le hijab au Canada. Ces dernières exercent leur droit découlant de leur liberté de religion de la même façon qu’une personne de confession catholique puisse porter sa croix visible à tous.

Puisque nous vivons dans un pays multiculturel, la liberté de religion ne peut pas être absolue. L’article 1 de la Charte canadienne permet aux gouvernements ou à ses organes de restreindre la liberté de religion des individus. Cependant, certaines conditions doivent être respecté. L’article 1 exige que les limites imposées soient raisonnables et que leur justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. De plus, il y est aussi indiqué que la liberté de religion ne peut être limitée que par une règle de droit. Ce qui veut dire soit par une loi ou un règlement[6]. Un bon exemple où un règlement a eu pour effet de limiter la liberté de religion d’individus se trouve dans la décision Hutterian Brethren of Wilson colony entendu en 2009 en Cour Suprême. Dans cette affaire, la communauté Huttérites de la colonie Wilson conteste un règlement de la province d’Alberta qui les oblige à se faire prendre en photo pour obtenir un permis de conduire. Ils avancent que cette obligation porte atteinte à leur liberté de religion parce qu’ils croient fermement que le deuxième commandement de leur religion leur interdit de se faire prendre en photo volontairement. De son côté, sans nier l’atteinte à la liberté de religion, le gouvernement albertain explique que la prise en photo est essentielle à leur initiative pour prévenir le vol d’identité. La Cour Suprême a donné raison à la province bien que la liberté de religion des huttérites ait été atteinte[7].

Il s’agit là d’un bel exemple où la liberté de religion a été limité par un gouvernement pour une raison que la Cour a reconnu être justifiable dans une société libre et démocratique. D’autant plus que la raison de la province de l’Alberta touchait le vol d’identité qui est un enjeu qui touche la sécurité publique. D’ailleurs, dans l’affaire Ross la Cour Suprême dit que « la liberté de religion est soumise aux restrictions nécessaires pour protéger la sécurité, l’ordre, la santé ou la moralité publics, ainsi que les libertés et droits fondamentaux d’autrui »[8].

Enfin, bien trop de personnes sont portées à croire que la liberté de religion ne concerne que les croyants. Ce qui est faux. Dans l’affaire Mouvement laïque québécois entendu en 2015 devant la Cour suprême. Les juges ont ordonné à la ville de Saguenay de cesser la récitation de la prière dans les salles de délibération du conseil municipal. La Cour a reconnu que la récitation portait atteinte à la liberté de religion d’un homme athée qui n’avait d’autre choix que de quitter la salle lors de la prière et d’ainsi dévoiler son athéisme. Cette décision confirme que la liberté de religion n’est pas un droit qui s’applique qu’aux personnes membre d’une communauté religieuse[9]. La Cour européenne des droits de l’Homme dans l’affaire Kokkinakis c. Grèce affirme que la liberté de religion inclut aussi « les athées, des agnostiques, des sceptiques et des indifférents »[10]. Nul ne peut se voir imposer une religion. La liberté de religion est aussi la liberté de croire ou de ne pas croire en une religion.

[1] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982 c-11.

[2] Laura Barnett, « Liberté de religion et signes religieux dans l’espace public » (2011) Publication n°2011-60-F, Étude générale, Bibliothèque du Parlement, para 2.2.1.

[3] Supra note 1, art 27.

[4] R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 RCS 295 au para 94.

[5] Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6, [2006] 1 RCS 256.

[6] Supra note 1, art 1.

[7] Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37, [2009] 2 RCS 567.

[8] Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 RCS 825.

[9] Mouvement laïque québécois c. Saguenay (ville), 2015 CSC 16, [2015] 2 R.C.S. 3.

[10] Supra note 7, à la p 128.

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