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 NOA MENDELSOHN AVIV
directrice générale et avocate générale de l’ACLC :

Cette semaine, le gouvernement fédéral a invoqué la Loi Loi sur les mesures d’urgence sur les mesures d’urgence – une loi extrême qui n’a jamais été utilisée. Et il a annoncé deux décrets d’urgence qui auront de lourdes conséquences pour les particuliers, décrets adoptés en dehors des processus démocratiques ordinaires.
L’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) s’est prononcée haut et fort face à cette déclaration et, aujourd’hui, voici sa propre annonce : nous allons poursuivre le gouvernement du Canada en justice.

Nous sommes ici aujourd’hui à cause de la réaction du gouvernement face aux manifestations et aux barrages. Sa déclaration d'urgence est sans précédent et enfreint gravement la Charte des droits des Canadiens.

Le gouvernement a recouru à une mesure extrême qui devrait être réservée aux urgences nationales, sans respecter la norme juridique qui n’a pas été respectée. Les pouvoirs d’urgence ne peuvent et ne doivent pas être normalisés.

Sur toutes les manifestations pacifiques et perturbatrices qui ont pu avoir lieu au Canada – avec parfois des actes illégaux et des affrontements prolongés avec la police – jamais on n’a vu un gouvernement déclarer une urgence nationale en vertu de la Loi Loi sur les mesures d’urgencesur les mesures d’urgence, et s’octroyer ainsi les énormes pouvoirs de contourner le processus démocratique ordinaire et responsable.

Notre adhésion à l’égalité et aux autres droits est ce pour quoi nous soutenons fortement le droit de réunion pacifique garanti par la Charte Charte – c’est de cette façon que les personnes marginalisées peuvent défendre leurs droits. Dans une démocratie, une manifestation est un moyen pour les gens d’exprimer les messages politiques qu’ils souhaitent faire connaître, quels qu’ils soient : messages de militants écologistes, d’étudiants qui descendent dans la rue, de défenseurs de territoires autochtones, d’ouvriers en grève, de gens qui savent que la vie des Noirs compte, et d’autres qui s’opposent à des mesures gouvernementales en tout genre.

Notre société a besoin de pouvoir se réunir de manière pacifique – c’est un outil démocratique absolument critique –, même si tout le monde n’est pas forcément d’accord avec les motivations de chaque mouvement.

Beaucoup de manifestations sont perturbatrices. Un rassemblement peut être à la fois perturbateur et pacifique.

Bien que souvent illégales, les manifestations perturbatrices comme la fermeture d’oléoducs ou le campement dans un lieu public peuvent être le moyen le plus efficace de sensibiliser l’opinion publique.

Et lors des manifestations, toutes sortes de gens peuvent se retrouver dans un même lieu, unis par une même cause. Le fait que certains enfreignent la loi, agissent de manière agressive ou oppressive, n’implique pas forcément que les autres manifestants ont les mêmes points de vue ou la même attitude extrémistes.

Soyons clairs : nous sommes profondément préoccupés par le rapport qui nous a été fait d’incidents de rue violents, racistes, homophobes qui mettent en cause certains manifestants. Nous en tenons compte et reconnaissons les répercussions que de tels actes peuvent avoir sur les groupes marginalisés : nous soutenons ces derniers et condamnons ces actes.

Nous reconnaissons aussi le fait que les récentes manifestations ont entraîné des difficultés considérables pour ceux qui vivent et travaillent à proximité. Nous savons que la population d’Ottawa en a profondément souffert.

Mais encore une fois, nous sommes ici en raison de la réaction du gouvernement aux manifestations et aux barrages.

Le droit de se réunir pacifiquement n’est pas un droit sans condition. Des limites raisonnables peuvent être imposées et doivent l’être dans certains cas.

Lorsqu’elle impose des limites raisonnables, la police peut et doit faire preuve de retenue et éviter l’escalade. L’ACLC s’est opposée à maintes reprises à la police lorsque celle-ci mettait fin à des manifestations en recourant à une force excessive, à des détentions et à des arrestations, en particulier contre des manifestants autochtones, racisés ou d’autres manifestants issus de groupes marginalisés.

ABBY DESHMAN
directrice du programme de justice pénale de l’ACLC :

L’ACLC a retenu les services d’un avocat pour lancer un examen judiciaire visant la remise en cause de l’invocation par le gouvernement de la Loi fédérale sur les mesures d’urgence. Loi sur les mesures d’urgence.

La loi donne aux membres de l’exécutif du gouvernement fédéral des pouvoirs extraordinaires. Le seuil légal requis pour les invoquer est délibérément élevé. Le respect de ce seuil constitue une protection essentielle du processus démocratique, de la primauté du droit et des libertés civiles des individus qui risquent d’être affectés par des décrets d’urgence.

Selon nous, les seuils prévus par la Loi sur les mesures d’urgence Loi sur les mesures d’urgence – autrement dit, les exigences légales mises en place pour préserver les processus démocratiques – n’ont pas été respectés.

Selon l’article 3 de la Loi sur les mesures d’urgence sur les mesures d’urgence, pour que celle-ci soit appliquée, il faut qu’il y ait une « crise nationale » – « concours de circonstances critiques à caractère d’urgence et de nature temporaire » qui, selon le cas :
met gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens et échappe à la capacité ou aux pouvoirs d’intervention des provinces; menace gravement la capacité du gouvernement du Canada de garantir la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale du pays.

Dans un cas comme dans l’autre, la situation doit être telle « qu’il n’est pas possible d’y faire face adéquatement sous le régime des lois du Canada ».

Nous ne voulons pas minimiser l’impact des manifestations qui ont eu lieu dans l’ensemble du pays. Mais s’il est vrai que certains barrages ont causé des perturbations considérables, on voit mal en quoi les manifestations en cours « mettent gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens » au point d’atteindre le seuil d’une crise nationale en vertu de la loi.

Il est aussi loin d’être évident que les lois et les pouvoirs des forces de police existants ne suffisent pas pour faire face aux difficultés actuelles. La police est régulièrement confrontée à des situations extrêmement complexes et difficiles relativement au maintien de l’ordre. Les forces de police de différentes régions du pays ont levé plusieurs barrages frontaliers très problématiques, et sont parvenues à gérer de nombreuses autres manifestations ailleurs au pays, et cela, sans le recours aux pouvoirs d’urgence.

Certes, il y a des situations qui s’avèrent beaucoup plus difficiles à contrôler.

Les décrets d’urgence que le gouvernement a déposés ne sont toutefois pas ciblés. Ils ne sont pas limités à des manifestations particulières ni à des lieux géographiques précis. Il s’agit de décrets d’urgence à caractère expansif qui sont déjà entrés en vigueur; ils s’appliquent de la même façon dans tout le pays et imposent des restrictions sans précédent aux droits constitutionnels de chaque Canadien.

Autrement dit, ils s’appliquent à tout le monde, y compris à vous et moi.

Les décrets d’urgence actuellement en vigueur imposent des limites strictes aux manifestations pacifiques. La police a désormais le pouvoir de mettre fin à un large éventail de manifestations de ce type si elles perturbent la circulation ou bloquent les trottoirs. Celles qui ont lieu à proximité d’une gare routière, d’un hôpital ou d’un site de vaccination contre la COVID-19, font l’objet de restrictions particulières, même si elles ne gênent pas la circulation.

Ces décrets d’urgence exigent aussi que les institutions financières communiquent des renseignements financiers personnels au Service canadien du renseignement de sécurité et à la GRC, gèlent les comptes bancaires et coupent les services financiers à toute personne qui prend part ou fournit de l’aide aux gens qui participent à un rassemblement interdit, et cela, sans aucun contrôle judiciaire.

Encore une fois, ces décrets ne sont pas limités à Ottawa. Ils ne s’appliquent pas seulement à la frontière pas plus qu’ils ne visent précisément les convois de camionneurs. Ils limitent les droits de n’importe quelle Canadienne et de n’importe quel Canadien, notamment toute personne qui participe à une manifestation, se rend à celle-ci ou y apporte son aide, peu importe le lieu où elle se déroule ou son objet.

Chaque jour, il y a des milliers de protestations au Canada : que ce soit sur le changement climatique, des revendications territoriales autochtones, le racisme anti-Noirs. Et même, disons-le, en faveur ou contre des mesures de santé publique. La grande majorité d’entre elles sont pacifiques. Ces décrets s’appliquent potentiellement à toutes.

Nous pensons que l’invocation de ces mesures d’urgence par le gouvernement fédéral est illégale et inconstitutionnelle. Le Premier ministre a déclaré à plusieurs reprises que la Charte des droits et libertés des droits et libertés continuait de s’appliquer. Nous sommes d’accord sur ce point et estimons que les mesures prises sont inconstitutionnelles. Nous demanderons aux tribunaux d’intervenir pour défendre la primauté du droit et les droits constitutionnels de tous les Canadiens.

À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles

L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.

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